L’idée d’un “Centre d’observation, de soins et de guidance” répondant à la détresse des familles d’enfants gravement polyhandicapés, est née un soir de mai 1968, rue de l’Armorique, à Paris. Le Docteur SAULNIER y exerçait la neuropsychiatrie et m’avait conviée à réfléchir ensemble aux moyens d’apporter vie et travail au Bourg de Bréhan, en Bretagne centrale. Venant d’y retrouver ses racines avec l’acquisition du Moulin de LEMEUR, élu au Conseil Municipal, pressenti comme maire, il se donnait ce challenge.
Le Docteur SAULNIER me connaissait comme pédiatre ayant complété une formation en neuropsychiatrie, passionnée par la psychologie du développement somato-psychique de l’enfant. J’exerçais comme consultant dans le service de Neuro-Pédiatrie à l’hôpital Saint Vincent de Paul où je mesurais chaque jour la carence en solutions à offrir aux familles à qui un diagnostic angoissant venait d’être évoqué. L’Assistante sociale me les confiait alors. J’écoutais la détresse, explicitais ce qui avait été entendu puis cherchais
" Les compétences de l’enfant en l’observant et surtout en tenant compte du récit des parents "
à situer les compétences de l’enfant en l’observant, l’examinant et surtout en tenant compte du récit des parents eux-mêmes. Après leur avoir décrit ce dont leur enfant était actuellement capable et les limites dans lesquelles ils pouvaient le solliciter, nous cherchions les solutions locales existantes. Faute de quoi une nouvelle rencontre était prévue tous les trois mois. C’est ainsi que j’ai inventé un suivi thérapeutique, une guidance, dont je me suis inspirée pour construire le projet d’établissement des Enfants de Kervihan.
Deux ans furent nécessaires pour le formaliser. Refusé par le Ministère de la Santé, certes reconnu innovant et répondant à un réel besoin, il ne correspondait pas aux objectifs du plan en cours. Il me fut conseillé de me tourner vers “le privé”. Le 5 octobre 1970, le Docteur Saulnier déclara en Préfecture, en tant que Président, l’Association “Les Enfants de Kervihan”.
Madame Claude POMPIDOU venait de créer sa Fondation.
Pose de la première pierre par Madame Claude POMPIDOU en présence du Docteur SAULNIER
Les relations et la renommée du Docteur SAULNIER lui permirent de l’approcher. Elle fut d’emblée conquise et son Conseil d’Administration accepta le projet qui devint réalisation. J’en étais responsable.
Madame POMPIDOU en posa la première pierre en juin 1972 et inaugura le Centre en octobre 1973. Elle en suivit l’évolution lors de ses visites régulières, toujours attentive et émue.
Les responsabilités s’étaient bien réparties dans le binôme fondateur, soudé par une solide confiance mutuelle. Au Docteur SAULNIER, Président, les soucis administratifs et financiers, les relations extérieures avec les tutelles, facilitées par son élection au Conseil Général.
A moi la conception technique : architecture, élaboration du projet d’établissement puis des projets personnalisés de chaque enfant.
Nous avons su construire des partenariats forts.
Présentation du projet des ENFANTS DE KERVIHAN par le Docteur SAULNIER à Madame Claude POMPIDOU
D’emblée, l’expérience du Docteur Nicole LAITER neuro-pédiatre spécialisée au Centre de KERPAPE dans l’accueil et le traitement des enfants handicapés moteurs, me fut d’un solide conseil pour concevoir les divers projets et former les personnels dans leurs fonctions diverses. Pendant de longues années elle assuma le suivi neuro-orthopédique des Résidants, le soutien des AMP et la supervision des kinésithérapeutes. En particulier elle introduisit l’apprentissage par tous du “montage” de la motricité qui est la kinésithérapie spécifique du tout-petit, la plus adaptée à nos enfants d’alors.
Pour ma part, lors de mes vacations, je reprenais en somme le schéma de Saint-Vincent-de-Paul. L’AMP référente portait le rôle des parents lors de l’examen médico-neuro-psychologique que j’effectuais avant la synthèse programmée à cette occasion et dont je rendrai compte aux parents. Même processus : j’écoutais descriptions et questionnements, j’examinais, situais le niveau actuel de maturation et partant les domaines où des sollicitations étaient envisageables. Tout ceci était explicité, meilleur moyen d’apprendre sur le vif.
Les synthèses avaient la même visée et permettaient aussi de mettre en évidence la dynamique relationnelle qui se vivait dans l’unité. Il était dit que tout pouvait s’exprimer et surtout les moments difficiles, les sentiments et les émotions qui pouvaient être éprouvés comme négatifs. Nous cherchions ensemble l’aide à donner.
“L’esprit Kervihan”
Inauguration de KERDREINEG par le Docteur LYARD, le Docteur SAULNIER et Madame Claude POMPIDOU
A travers ces échanges s’est ainsi développé “l’esprit Kervihan” et cela m’émeut de le retrouver encore vivant de-ci de-là. Merci à tous ceux et celles qui l’ont porté et le portent encore.
Poussée par la vie, l’Association s’est vue confrontée, à peu près tous les cinq ans, à de nouveaux ajustements, extensions et créations dont furent et sont porteurs les Directeurs Généraux successifs. Si bien qu’en 2004 elle s’est définie comme « Association Kervihan » accueillant tous les âges de O à 77ans.
Le challenge de 1968 a tenu sa promesse et la vie continue.
Bréhan, février 2011.
Docteur Denyse LYARD.